Les terribles aventures du futur Capitaine Crochet, par J.V. Hart
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Octobre/novembre 2006 fut une période panesque niveau littérature jeunesse ! Eh oui, à peine un mois après la sortie officielle de la suite de Peter Pan : L’Habit Rouge de Peter Pan, de Geraldine McCaughrean, voilà qu’apparaissait ce livre de James V. Hart à la couverture et au résumé prometteurs : Les terribles aventures du futur Capitaine Crochet. Sans compter cette phrase alléchante écrite dessus : « Même le plus terrible des méchants a un passé ». Alors en le découvrant, vous pouvez aisément imaginer ma joie ! Un livre traitant de l’adolescence du Capitaine Crochet… cette époque où il n’était alors que James, un jeune lycéen…
Donc pour résumer, c’est l’histoire de James Matthew B., un adolescent comme les autres, ou presque… A quinze ans, il est reçu dans la prestigieuse école d’Eton, en Angleterre. A travers ses aventures à Eton, on découvrira le futur Crochet comme un adolescent rebelle, anticonformiste et provocateur ce qui lui vaudra bon nombre d’ennuis et d’ennemis à ses trousses. Mais le jeune James n’est pas heureux, il se sent mal intégré et pas à sa place dans la société londonienne et cela commence à donner lieu à des visions bizarres chez le jeune adolescent. Un seul endroit, un seul pays l’appelle, une île là où les rêves s’accomplissent, où la mer est plus claire que le ciel et où l’on ne vieillit jamais : Le Pays de Nulle Part… Au fil des rêves, son île se confirme et les sentiments qui l’habitent comme l’aventure, l’envie, la haine et aussi l’amour, le pousseront à chercher ce lieu magique sur lequel il pourra régner.
Un roman aussi inattendu qu’étrange, passionnant, dangereux et profond. Je l’ai dévoré à pleines dents de lectrice affamée. J’avais déjà très très hâte de m’y mettre car personnellement, j’aime Crochet presque autant que j’aime Peter. Oubliez le ridicule Crochet disneyien, moi, j’ai été d’emblée troublée par ce personnage vil et intouchable du livre… Dustin Hoffman me l’a rendu sympathique et Jason Isaacs a fini par me fasciner totalement en endossant son rôle il y a de cela 4 ans… Et je me suis toujours demandé quel passé avait pu avoir le fameux Capitaine Crochet, avant de régner sur les mers du Pays Imaginaire… Je l’imaginais avoir été un corsaire au service de l’Angleterre, puis un pirate avant de découvrir le Pays de Nulle Part où il décida de rester car personne à part lui ne pouvait faire la loi… Et la réalité de ce livre n’est pas très différente car en effet, c’est bien les raisons qui l’ont poussé à rechercher le Pays de Nulle Part et il a bien travaillé sur un bateau avant de le trouver (même si le livre s’arrête avant) Mais je n’imaginais pas plus loin, en fait… Je n’imaginais pas ce qu’avait pu être Crochet à quinze ans… Et là, découvrir ce petit James à Eton aux bouclettes noires, aux yeux bleu et au sang jaune, aussi haineux et cruel qu’amoureux et différent des autres… c’était spécial ! Mais c’est assez comme ça que je le voyais… Et le découvrir ainsi à travers ces pages… découvrir comment James Matthew Bâtard est devenu le Roi Jas Crochet…
Son évolution est intéressante et nous fait mieux comprendre comment il a pu devenir un tel personnage, une fois adulte. Ça me rappelle un petit peu le roman La Coupe d’Or, de Steinbeck où l’on assiste également à l’évolution d’un adolescent assoiffé d’aventures qui finira par devenir, à forces d’épreuves et d’ambition, le plus terrible des pirates… Et là ce jeune Crochet, si réel, presque palpable, m’a vraiment impressionnée. Le découvrir amoureux m’a touchée, aussi. Son histoire avec la jeune sultane Ananova, ce baiser qui est le commencement de la fin pour lui, l’indication d’Ananova de la seconde étoile à droite, la promesse de James de l’y emmener… on verra aussi quel ami fidèle il a pu être pour Roger l’Enjoué d’Eton et l’on assiste également à sa rencontre avec Mr Mouche lorsqu’il est engagé à bord du « Sorcière des Mers ». Que de surprises ! Ce James est un personnage dangereusement fascinant et je dis bravo à J.V. Hart – qui est à savoir le scénariste du film « Hook » de Spielberg datant de 1991 dont j’ai récemment parlé – pour avoir su mener avec tant de succès ce personnage si complexe.
J’ai adoré ce livre qui a tout naturellement élargi ma vision de Crochet le pirate le plus notoire de la littérature jeunesse anglo-saxonne, et je l’ai trouvé d’une écriture intéressante, excellente, dirai-je, d’où l’on sent un peu l’inspiration de Barrie, avec en plus une vision critique de la société de l’époque. On en vient à ressentir beaucoup de choses pour James, en commençant par être touché par cet enfant illégitime en quête de la reconnaissance de son père et du monde qui l’entoure. Cet anti-héros solitaire à l’intelligence aiguisée et au caractère indomptable et parfois contrasté nous surprendra tout au long du livre, répondant sans ciller aux jeunes aristocrates prétentieux d’Eton comme Arthur Sherry qu’il battra et humiliera en duel dans une scène très cruelle, séduisant puis enlevant une jeune sultane ou encore en embarquant sur un navire prêt à tout pour découvrir son Pays de Nulle Part et se forger un nom… Voilà un VRAI méchant ! Avec plusieurs aspects, du bon comme du mauvais, son histoire et ses épreuves nous montrant comment il a opté pour ce dernier côté… Aussi cruel que digne et classe dans ses agissements, mais avec une âme et des sentiments, étant son propre maître et ne se limitant pas à un seul trait de caractère manichéen… A côté, même Voldemort peut aller se rhabiller, haha ! Passionné et acharné, le redoutable James n’a pas peur de relever les défis, quoi qu’il lui en coûte, et sa personnalité intraitable et redoutable le rend… inoubliable.
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Avant de finir, voici une petite description à la première page qui vous donnera une idée :
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« Ah, ces yeux… Il avait des yeux perçants, d'un bleu myosotis inoubliable. Deux étoiles embrasées dans un ciel éteint. Des yeux profondément mélancoliques, certes. Sauf quand il était en colère. Alors, deux points rouges venaient les illuminer d'une lueur effroyable. James était devant le "Buisson-Ardent", le fameux lampadaire ouvragé qui ornait le carrefour central du campus d'Eton. Svelte, la peau mate, avec ses longues boucles d'un noir corbeau entortillées comme des chandelles. »
A découvrir, ça en vaut franchement la peine ! Sans forcément aimer ce mythe – même si tout le monde connaît au moins le Disney – je pense que l’on peut apprécier de découvrir ce jeune James Crochet *étoiles dans les yeux* à travers ces pages ahurissantes. Je ne suis vraiment pas prête d’oublier ce roman aussi profond que passionnant…
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Jason Isaacs en Captaine Crochet dans "Peter Pan" de 2003